Le courage de ses convictions

Aujourd'hui, une publication un peu atypique. Les gens qui me connaissent savent que je suis un fan de Spinoza. À une époque où tout le monde pense détenir la vérité c'est vraiment inspirant de relire sur ce grand philosophe qui a tant travaillé pour essayer de découvrir la vérité. Plus jeune j'étais très puriste et je pensais que c'était pas une bonne idée de lire trop de biographies sur lui et trop d'interprétation de sa pensé. Avec le temps j'ai changé d'idée. Je me suis aperçue que c'était extrêmement émouvant et inspirant de lire sur la vie de Spinoza et certains autres philosophes et savants vivant à la même époque.
L'époque, c'est le 17e siècle, autour de 1661 plus précisément. Ça ne fait que 60 ans que sur ordre du "Saint-Office", Giordano Bruno a été brûlé pour ses idées. Il a osé enseigner que la terre n'était pas le centre de l'univers et que les étoiles étaient d'autres soleils autour desquels orbitaient d'autres planètes. Plus près dans le temps en 1633 Galilée est convoqué par le tribunal de l'inquisition et forcé d'abjurer ses thèses. Ça prend vraiment du courage pour chercher la vérité à cette époque-là. Mais le génie est sortie de la boîte et de plus en plus d'hommes courageux vont oser la grande aventure de la science.
Spinoza a un cercle d'amis qui sont également en quête de vérité comme lui. Ses amis ont compris le génie du philosophe. Ils ont formé un collège pour étudier le brouillon de son chef-d'oeuvre "L'Éthique", qui sera publiée seulement après sa mort. Pas un livre facile. La forme s'inspire des traités de géométrie avec des définitions, des axiomes, des propositions, ...
Le premier chapitre commence par des définitions. Voici les deux premières:

I. Par cause de soi j'entends ce dont l'essence enveloppe l'existence, c'est à dire ce dont la nature ne peut être conçue que comme existante.
II. On dit qu'une chose est finie en son genre quand elle peut être limitée par une autre chose de même nature. On dit qu'un corps, par exemple, est fini parce que l'ont peut toujours concevoir un corps plus grand. De même une pensée est limitée par une autre pensée. Mais un corps n'est pas limité par une pensée, ni une pensée par un corps.


On peut pas lire ça comme un roman. Il faut le lire et le relire. Lire la correspondance. D'ailleurs, c'est très émouvant de lire leur correspondance. Un des amis de Spinoza, Simon De Vries lui écrit en quête d'éclaircissement:

Indéfectible ami,

J'ai envie de venir te voir depuis longtemps, mais le temps et l'hiver rigoureux ne m'ont pas été assez favorable. ...


Le cercle des amis est dans la ville d'Amsterdam et Spinoza à Rijnsburg. De nos jours on parle de 50 minutes en train mais en 1663, pas de train ou même de voiture alors les gens sont séparés et isolé par les distances (dans les meilleurs conditions une calèche va faire autour de 12km/h). Mais heureusement il y a l'écriture et certaines personnes de confiance qui voyagent par affaire et dans le cadre de leurs fonctions politiques servent d'intermédiaires et achemine la correspondance. Donc, les amis restent en contact par l'écriture et l'auteur de la lettre poursuit ainsi:

Pourtant, même si nous sommes éloignés l'un de l'autre par le corps, tu ne m'es pas moins souvent présent à l'esprit, surtout lorsque je me penche sur tes écrits et que je les manipule entre mes mains.

L'auteur de la lettre explique que lui et ses amis ont formé un groupe d'étude (collège) et il explique comment ils procèdent pour étudier l'oeuvre de leur ami.

... l'un d'entre nous fait la lecture, l'explique selon sa conception, puis en donne la démonstration complète en suivant l'ordre de tes propositions. Alors si il arrive que l'un d'entre nous ne puisse donner satisfaction à l'autre, nous avons décidé qu'il valait la peine de noter la question et de te l'écrire, pour que, si c'est possible elle nous revienne clarifiée. Ainsi, nous pourrons, sous ta direction, défendre la vérité contre ceux qui ne sont religieux et chrétiens que de manière superstitieuse. Alors, nous ferons face aux attaques du monde entier !

Ah, quel enthousiasme, quelle ferveur ! Les amis de Spinoza ne se considéraient pas comme athées. Mais leur vision de la religion était extrêmement moderne et progressive. Leur ami philosophe leur avaient enseigné comment faire la part des choses.
Dans la suite de la lettre, l'auteur pose au philosophe ses questions après lui avoir expliquer que les membres du groupe s'étaient également fait aider par un amis mathématicien et scientifique de carrière (Borelli) qui demeure dans la même ville. Spinoza lui répond:

Précieux ami,

Après l'avoir longtemps désiré, j'ai reçu ta lettre. Je suis très reconnaissant pour elle et pour l'affection que tu me montres. Ta longue absence m'a fait autant de peine qu'à toi, mais pour l'heure, je me réjouis que mes petits travaux te soient utiles, ainsi qu'à nos amis. ...


Tout le monde travaille fort. Spinoza s'est creusé la tête pour comprendre les choses et présenter ses thèses de façon rigoureuse et ses amis travaillent fort également pour les comprendre. Ils doivent faire des recherches et apprendre de nouvelles choses pour avancer. La vérité ne tombe pas des arbres comme un fruit prêt à être mangé. Tout le monde est poli et partage le même enthousiasme pour la recherche de vérité. On dirait presque des amis qui discutent de leurs clubs de football ou de hockey préféré. Mais contrairement à des discussions inoffensives sur le sport nos amis risquent leur vie en participant à cette quête de vérité. L'Église et les pouvoirs politiques sont encore méfiants et peuvent encore faire beaucoup de mal. Mais le courage c'est plus que simplement défier un ennemi extérieur. Chercher la vérité avec rigueur ça veut également dire que parfois on déterre des vérités qui viennent contredire certaines croyances politiques auxquelles on était attaché. C'est ça le courage également. Changé d'idée quand nos idées ne passent pas le teste de la logique ou de la réalité.
Mais nos amis on choisis un bon guide. Spinoza mène une vie exemplaire et il fait preuve d'un courage sans faille. Il refuse de faire le genre de compromis que font des philosophes comme Descarte et il pousse sa logique jusqu'au bout. Il refuse entre autre la séparation établie par Descarte entre le corp et l'âme. Pour Spinoza le corp et l'âme sont des manifestations (mode) d'une même substance unique. J'aime bien la phrase de Michael Della Rocca dans son splendide Spinoza qui dit en parlant du philosophe: "rationalism on steroid".
Finalement, si vous voulez une lecture qui va vous remonter le moral, trouvé vous une biographie de Spinoza.

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